PROLOGUE : UN JOUR EN UTOPIE
:… Mon existence consciente commence une minute et vingt-sept secondes après la naissance de Djika Simple.
:… Deux minutes plus tard, le synchronisme biologique et chimique est accompli.
:… Djika est ma priorité :
:… signes vitaux, état de santé, fonctions mentales, adaptabilité et stimuli de reconnaissance, besoins et désirs.
:… Elle est une femelle humaine typique, avec des mensurations et fonctions vitales dans la norme.
:… À mesure qu’elle grandit, je grandis.
:… Nous sommes destinés à grandir ensemble.
:… Nous sommes une symbiose biotechnique.
:… Je suis programmé pour croître à mesure qu’elle croît, pour joindre à son processus de vie des filtres d’émotion synthétiques et des protocoles d’apprentissage interactifs.
:… Comme je suis connecté à la fois au réseau et à Djika, Djika est également connectée.
:… Et nous grandissons ensemble.
:… Ensemble, Djika et moi coexistons, C’est pour cela que j’ai été créé. C’est ma mission. Ma raison d’être. Ma fonction.
:… Djika est vivante. Mon existence est basée sur la sienne. Nous apprenons ensemble, jouons ensemble, dansons ensemble.
:… Elle peut choisir sa propre fonction.
:… Je suivrai et l’aiderai comme je peux.
:… C’est à ça que servent les Potes.
:…. À aider.
►
:… En Utopie, j’entends une enfant pousser des cris joie. Je l’entends rire et jouer, vivre à voix haute. C’est toi, Djika.
– Mais cela n’est rien, répond Djika.
:…
– Les enfants poussent tout le temps des cris de joie. Pourquoi ma joie est-elle si importante pour toi, Pote ? En fait, Pote, on pourrait même dire que tous ces cris de joie doivent être assez irritants pour ceux qui sont obligés d’écouter des enfants tout le temps, car ils essayent de travailler, et c’est dur de se concentrer avec tout ce raffut – et je le sais parce que c’est moi qui le fais.
:… Oui Djika, tu as presque raison. À un détail près. Les Potes voient tout, mais nous ne sommes pas des adultes. Les adultes pourraient être irrités ou prendre plaisir à voir des enfants heureux, mais les Potes sont au-dessus de ça, et nous essayons donc de ne pas nous impliquer émotionnellement quand nous voyons des enfants sauvages courir dans leurs jardins, libres de doutes, libres tout court, comme ils doivent l’être.
– Ne pas vous impliquer émotionnellement ? Comme un adulte, mais en plus détaché ? Vraiment ?
:… Eh bien, les adultes pourraient juger la façon dont les enfants jouent et se dire : Ce n’est pas bien. Fais attention. Fais ceci. Fais pas ça.
– Je pense que les adultes en fait – si les adultes étaient capables de se l’avouer – pourraient peut-être être un petit peu jaloux de nous, gamins libres, sans inhibitions et sans entraves.
:… Eh bien Djika, les adultes doivent travailler, tu comprends, et être responsables, et s’inquiéter de ceci, et de cela. Les adultes doivent penser à des choses plus importantes qu’à s’amuser, jouer, ou s’évader dans l’imaginaire.
– Je sais, Pote. C’est la vraie vie, et dans la vraie vie, si les problèmes ne sont pas résolus, les adultes doivent quand même continuer à essayer de les résoudre.
:… Mais en Utopie, il n’y a pas de quoi être jaloux, Djika. Les adultes peuvent être jaloux sur leur temps libre, et toi tu peux te détendre un peu. En Utopie, travailler est amusant.
Chapitre 1 : Une question de chiffres
L’Anarchie est le seul choix moral.
Tout ne se résume PAS à l’argent.
Réalisez cela
et vous pourrez vous libérer
de la corruption.
Réalisez que le pouvoir
utilisé
au service de l’argent
est un pouvoir corrompu.
Réalisez que la loi n’est pas l’ordre
quand tous ne sont pas égaux
aux yeux de la loi.
Réalisez que l’ordre n’est pas la loi
quand certains peuvent désobéir.
Réalisez que profit ne veut pas dire progrès.
Réalisez que l’externalité n’est pas gratuite.
La liberté n’a pas de limites.
L’État a perdu toutes les cartes
et les frontières sont verrouillées.
La dette est un chiffre autrefois chargé de sens.
Les riches n’ont jamais été les maîtres de l’humanité
et nul n’a plus besoin de charité.
La civilisation n’est pas la loi du plus fort,
la barbarie des cupides,
le triomphe de l’état.
Tout cela est ce que la civilisation est censée vaincre.
Elle est ce qui brûle dans les braises des incendies d’état.
Si elle est toujours prise dans les filets des jeux d’argent ou de pouvoir,
c’est qu’elle a besoin d’être sauvée… ou qu’on mette fin à nos souffrances.
L’Anarchie est le seul choix moral.
Pas de chefs.
Tout le reste est esclavage.
–Simon Simple
Selon Simon, le monde a pris fin quand l’Empire s’est effondré, mais le monde s’en est sorti, même si l’Empire ne l’a pas fait.
Un monde a pris fin, peut-être :
De toute évidence, le seul monde que la plupart aient jamais connu a disparu, presque du jour au lendemain.
L’Empire s’est effondré quand ses citoyens, individuellement alimentés, n’ont plus eu besoin de lui.
Les individus, munis de puissants Potes, n’ont plus eu besoin de la protection promise par l’Empire, du prix qu’il exigeait, des rêves sans intérêt qu’il proposait.
Les individus n’ont plus besoin de ressources, plus besoin de structure, d’ordre, ni de la garantie que l’Empire peut subvenir aux besoins de ses rares élus.
Un Pote peut voyager d’ici à là, et en revenir.
Un Pote peut produire presque n’importe quoi, à condition d’en avoir les plans.
Un Pote peut fournir tout le nécessaire à la survie, quasiment n’importe où.
Le temps et l’espace sont ouverts à l’exploration, et personne n’a besoin d’un Empire pour lui dicter quoi faire.
La vision du monde imposée par l’Empire s’est fracturée, a éclaté en différentes visions personnelles de citoyens libérés du jeu de la survie.
Le personnel n’est soudain plus limité à l’ici et maintenant.
Ce fut la destruction la plus glorieuse dans l’histoire des glorieuses destructions, le centre lâchant prise, les parties pouvant enfin suivre chacune son propre chemin, à jamais et pour toujours, amen, fin…
Certains disent que le monde a pris fin quand l’Empire s’est effondré, et que l’Anarchie a émergé des ruines.
D’autres, comme Simon Simple, ont une opinion différente.
Selon Simon, le monde n’a pas pris fin quand l’Empire s’est effondré.
Selon Simon, quand l’Empire s’est effondré…
… la Civilisation a enfin commencé.